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SIXIEME TOMBEAU

(DE CONSOMMATION)

... Va-t'en par là, soulard !
Il y a là-bas le bar des Berbères
Et autres marchands d'huîtres aigries
Et d'oignons blets pour friteries
Dont les huiles recuites
Nous donnent une idée de l'Eternité Vraie
Tu t'es vu ? Laisse-moi regarder de près !
Vêtu d'habits inqualifiables, socialement déclassés ;
Premièrement abandonnés par un pédé ;
Deuxièmement récupérés par son père, le recteur si rigide
Donnés, troisio, aux petits frères des pauvres, de nuit
Placés ensuite dans la poubelle en plastique
En tassant le couvercle. Et tu étais dessous, ô merveille !
Embryon venu des rêveuses cliniques de l'avorteuse
Il a failli ne pas être, le Malotru !
– Je ne lui réponds pas. Il est fait de sa pâte
Où ses mitrons, de longtemps ont craché avant moi.
Aussi bien là : personne ne viendra m'emmerder sur ce banc
J'enlève le manteau, car malgré l'écriteau oublié
La peinture n'est pas fraîche, et s'écaille sous ma fesse
Qui s'y frotte au bois noir... Pleurs de soleil... liesse !
... Pro-fi-tons, tonton, de tous ces tétons !
Comme en profite le vent d'antan-et ran et tant et tant,
Et Ran-tan-plan, – un peu rouillé
De clairons, d'odeur de poudre et de crottin
De lointains casernements
Un vent pourri : forcément : depuis le temps !
Il feuillette un almanach
Roulé sur les pelouses aux coins emboulés.
Il a, sur ses pages, corné les dates du Ciel fugace
D'autant de noms de Toussaint que d'étoiles prémonitrices.
Page Noël, des anges en dentelles culottières
En soutiens-gorges aérés, y font les fiers.
Ah le vent d'autan, qu'il soit de Brest ou Montauban,
Qu'il sait lestement glisser au long des rails astiqués
Puis gagner de vitesse la Garonne
En prenant l'temps de faire siffler les cheminées du quai.
Dans un de ces arrêts garrre de Perrrpignan
Ou Châteaurroux, s'est enroué un bon coup.
De l'Alsace, le vin doux le guérit
Le ramène à Paris, au square du Malotru gâteux.
Phénomène auto-masturbateur... ou...
Le catalogue est-il tourné de l'intérieur
Par la fille avec son bikini rikiki nini au bout du didi,
(Page deux cent dix, en rose) ?
Par la même fille en bleu page deux cent vingt-deux,
La belle qui a perdu trois cheveux, page numéro arraché
Où elle s'endort, redevenue tout bébé
En suçant son poing
Sur le petit lit en nuage d'amour mordoré,
Prélude aux détresses matérielles, aux caresses rondes
Celles mortelles-z-aux papillons de l'été ;
Ces cocons crevés en soie des bas du bas de la page 33
…………………………………………..
Le vieux Malotru du banc abandonné s'endormit aussi
Quand il eut bu à sa bouteille,
Quand le vent eut commencé de repasser les feuilles
Du platane, sur la grande nervure plane,
Avec son fer à vapeur et dispositif sécurité
Pour les chemises de l'être aimé
Page deux-cents cœur. Prix : (exorbité)
Tout comme le regard hagard du Malotru qui rêve,
La durée frêle d'un chant d'oiseau dans un pommier,
L'absence de durée du bel été sous le même pommier,
Le même arbre en rondelles de bois pour les verres à bière,
Page raffinée, qui fait la fière
Avec pierreries sur le derrière d'un mannequin rouquin.
…………………………………………..
Sifflotons sans plus nous émouvoir, avec le Malotru :
« Que sont les bidules devenus,
Que j'avais de si près tenus... »
Comme lui, libérons-nous de tous ces esclavages
Et choisissons le nôtre, du moins
... Du moins loin de l'auberge aux volets verts
Il faut passer l'hiver sous un soleil-île-touristique,
Malotru va le passer en tôle, c'est du tout cuit :
Il manifeste ! aux dix locdus qu'il a embrigadés
Il leur fait chanter, ce salaud : Liberté-Métro !
« Liberté, Liberté ! Liberté-Métro !
« Peut aller où il veut, l'Malotru, à Paris !
« Que c'est beau, beau, beau, beau ! En prenant le Métro
Sur cet air idiot que t'as si bien retnu ! C'est ce langage qui trouble la casquette
Des serveurs affables et noirs
Ceux qui veulent asseoir une société stable
Devant leurs tables de café bien calées.
Le vieux s'embue le regard à suivre les interstices
Du pavé abolitionniste
C'est un drôle de zig qui s'enfonce dans le zag.
Il parle une langue oubliée, encore sussurée parfois
Au coin des chaumières, au fond des bois sans nom
Une langue d'étranges pays étrangers à eux-mêmes
Où les anges mignons s'y bousculent à l'envie,
Réfugiés si précipitamment qu'on voit, qui restent
Collées à leurs derrières gentils
Parfumées aux remugles de lointaines fritures,
Des plaques de métro, libérées du sous-sol :
Elles ont eu des billets pour aller à l'opéra etc.
... Pour le pique-nique organisé
... Par... ... pour... pour et pour et par...
Pour la fête des pères, des mères, des frères et soeurs,
Pour gagner une bagnole couleur beurre et or...
Des billets gratuits pour le mot poivrot qui a cours
Aujourd'hui seulement, mais a pignon sur rue
Fier comme le fond truffé de stuc d'une cage à pigeons.
Les plaques si lourdes, qu'on n'en voit plus les âges,
Inscrits dessous ; elles sentent la manif du trognon d'pain
Le mot-poivron roté au fond du trou charbonneux
Le mot dur ou mou, rond ou carré de section
Mais en barre à mine, sous le doré joli, le mot en trop ;
Y'a aussi le mot trop tôt venu, on ne sait d'où
Qui pétarade ses gros bouillons Kub
En odeurs des petites rues du Petit Paris des malotrus
Le Seul, le Grand, l'Humain, le Vrai, le Chic,
Fait de villages collés comme des chiens embroqués
Par le cul. Avec des rues
Où le brouillard décolore les odeurs de Vécé,
Dans des remugles de musc archaïque.
J'y pousse mon nez de marchois-berrichon
Vaste entonnoir renifleur de chemins frais.
Mais Bon-Dieu-Vrai, que vois-je !
Que mes cornes grandissent et que ces cornes m'usent !
C'est bien elle, dont les cheveux sont derrière l'oreille,
Relevés - et si doucement clairsemés -
Ma foutre-Muse, ma ronde et chaude cornemuse
Ma cabrette des brouettes et des bourrées à deux !
Elle balaie le café restaurant !
Elle reste à son rang : elle éponge la mousse et les rancœurs
Des demis des ronds de la bière d'hier.
Ma payse-ma promise, elle la voulait, l'aventure.
Ça a bien failli – Ouf – Ras le poil !
L'aventure n'est pas morte, pauvre bête (devine qui ?)
N'a pas eu l'idée de naître. Voilà, voilà ! Mais, Moi,
J'ai la fleur de l'étal du boucher dans ma main bleue
La tiens, la serre la frêle plantule couvée
Tant pis si je l'abîme un peu : Moi, Moa,
L'ai volée tout seul ! Et il faudra me la couper, la main,
Plutôt que...
On n'est pas prêt de se la cuire aux petits oignons !
La serrant sur mon cœur, j'ai tous les droits :
J'ai l'immunité poétique
Et j'erre, r, r, r... Tu dis que j'ai tort ?
Comment dis-tu que je devrais dire...
 « Je suis dans l'errance ! », que c'est plus poétique !
Je serais aussi malotru que toi
Et, alors, vicelardeux de jeux de mots
Je te dirais : c'est toi, morveux, qui as l'air rance !
Voilà que ça sent par ici maintenant, comme je n'aime pas
Et je m'en vais porter mes pas perdus jusqu'à la gare,
Car Paris, c'est aussi les cinq heures de train
Dans le tango frotté des pâtés truffés
Des voyageurs joyeux à l'oeil roublard,
A la bourrée-valse naïve, montée des vallées de foie gras,
Et campagnes notariées, en bottes cirées de glaise verte,
... Aux caves anoblies par l'âge de leur vin gris
D'où sont partis ces nez effeuilleurs du bouquet
De la cuisse, du corps du corselet,
Pour y venir renifler quoi, à Paris ?
– Devine donc, l'ami... de quel alcool il s'agit !
Ça vient, tu chauffes, je le sens et j'espère
Que tu vas gagner la petite bille en verre colorié
Que tu guignes sous tes lorgnons insoumis et verreux.
C'est cela – C'est cela : Juste voir si c'est bien ici que
Les mites naissent des rideaux d'opéra !
... Oh joie, ô joie, ho joie ! que je te chante !! sto-o-p !
Ou s'il est bien vrai qu'on y pense un peu plus lourd,
A Paris, qu'avec des godasses dans une cour de ferme
Ou, si ce n'est, hélas, que réflexion de dindon dogmatique
Mirage de fourrage maigre ou noix pourries
Trop consciencieusement lavées dans le chaudron rustique ?
... Ou Illusion ?... comme dans l'affaire du mouton ?
Celui qui s'est perdu, la veille du méchoui des amis.
Comment as-tu deviné que je faisais la bête et m'enfuis,
Que je m'en vais chez nous ? Ne crie pas : « Malotru, attends-moi ! »
Cours-moi après, car je fuis loin de tout
Parieur dégoûté de Paris, ne me reste de l'esprit des quais
Que le jeu de mots, la fiente,
Si tu veux, profites-en encore, cher Totor-Hue ! Go !
Cours-moi après, déboule en sens inverse
Des monteurs de pneus-neige !
Des porteuses de lait, des fileuses de laine grège !
Mais, je m'écarte, et tu me le reproches. Pardon
Ami, le car d'excursion
Me mèneras-tu à Canneton, St Nice ou Montéraph
Au bistrot le plus snob « chez Carlo »... Tu connais ?
Tu n'aimes pas. Bon tu sautes, vite. Tu gerbes ailleurs
L'avion je te dis – Plus cher, mais plus vite fait.
Plus cher, ah si, mon ange,
En ces temps de merlan frit à l'huile de vidange.
Moi, je m'offre un quart d'heure snob


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