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Croque-Odile

Livre II

Il faisait un temps de savane,
et chaud, et lent et long,
comme un chant de griot.
Ca faisait très longtemps
que le crocodile du marigot
voulait croquer Odile, sans succès,
comme il l'avait essayé avec sa maman
bien avant que sa beauté ne se fane
en la laissant toute ridée
du menton aux tétons.
Aussi avait-il décidé
qu'il était temps de changer de nourriture,
lui à qui on donnait en pâture
des cochons et autres moutons ou dindons,
pas toujours très frais, malgré sa qualité
de demi-dieu chargé d'intercéder
pour apaiser en amont
les crues dévastatrices
du torrent, et les rendre propices
à la culture du riz et du millet.
Ce jour là, Odile, la princesse,
s'étant débarrassée du collier
en camaïeu d'argent et pierres bleues,
avait laissé glisser le châle léger
qui lui bridait les fesses.
Après avoir essuyé le fard trop lourd
du contour de ses yeux,
comme à son accoutumée après l'amour,
elle s'était laissé couler ses seins empourprés
dans la fraîcheur de reposoir
du lavoir tendu de lianes en fleurs
et cerné de gros roseaux qui bandaient,
rien qu'à la voir,
avec une indicible et enviable verdeur.
A califourchon sur le nœud sophistiqué
de la racine en point virgule
d'un banian,
Odile ne voyait pas dans l'eau
l'affreux museau angul'
'eux et méchant
qui fendait sournoisement le rideau des reflets.
Soudain,
le gros sac recouvert de petits sacs à main
de chez Balmain
a bondi avec rage
et a gobé la belle image
just'avant
qu'Odile ne fit le début du commencement
du premier mouvement de nage.
Le pauvre fossoyeur de l'étang
s'y est cassé deux dents
en clappant trop violemment
sur ce mélange d'eau claire
et courant d'air.
Ce qui fait rigoler la mâtine.
Puis, redevenant sérieuse
malgré le nœud de l'arbre qui doucement
la lutine,
elle se dit, qu'en plus des précautions bien prises,
on peut compter aussi, dans la vie
sur l'idiotie des méchants. 

* * *


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