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Le Fruit Pourri

Livre III

Le Grand Jardinier esseulé
s'ennuyait, un jour long comme une Eternité,
en se promenant dans le verger du Paradis,
regrettant un peu d'en avoir chassé les habitants
qu'il aurait pu simplement condamner
à des travaux d'intérêt collectif
pour un crime commis
il y a si longtemps.
Depuis, il n'y a plus que ce Serpent pour
gober de temps en temps
quelques pommes d'amour
tout en rêvant d'être un jour
Khalife à la place du Khalife.
Le Créateur
comme tout entrepreneur
responsable
n'aime pas le gaspillage ;
et même pas l'abandon, sur la table
à sacrifices, de pauvres fruits
condamnés à pourrir ici
de par la volonté de grands prêtres
qui se sont nommés interprètes
de divins écrits
transcrits par de malins scribes , de grand âge,
à l'échine courbée
mais à l'orgueil démesuré,
héritiers du Serpent, pour des humains peu sages.

C'était des pommes pleines de sagesse, apparemment
héritières de celles en or
du verger des Hespérides
bien connues chez Yves Rocher
pour enlever les rides
et gommer les outrages du temps
chez les coquettes, les beaux, les gays.
Mais le Malin s'était bougé
ses fesses de serpent
et y avait glissé subrepticement
un fruit, par lui, mordu
plein de fiel, de mensonge et confiance perdue.
Ah, la-la-la ! Que d'éclairs dans le ciel zébré !
Quand Dieu s'est aperçu
que le fruit gâté
avait pourri tout le panier !
Ne voulant pas que son travail fût perdu
il a vite demandé à Sainte Rita
et à ses copains
_ Saint Crépin et cetera _
d'en trier la pourriture,
les trognons et pelures
à donner aux humains
en pâture.
Pour faire, lui et ses cuisiniers élus,
avec la bonne chair
de paradisiaques confitures.
Ce fut Saint Pépin
qui, justement avec Saint Fiacre
décida d'en semer quelques-uns (des pépins)
sur quelques acres de terrain,
près d'une source née
d'un coup de baguette donné par un ascète
lassé de se nourrir de figues confites
dans l'acide acétique.
C'était sur un versant bien exposé
du Mont Sinaï, où, jusqu'alors
ne poussaient que pierrailles
et tables de la Loi.
Dès lors, ce fut belle pagaille
chez les Bédouins,
devenus soudain propriétaires
sédentaires de ces vergers divins,
et qui durent affronter ou esquiver
_des croisades de Chrétiens
_des interventions d'Américains
_des procès de Saoudiens
et autres installations d'Israéliens !
Enfin, à coups de trahison d'envieux
et de mésalliance de faux-amis,
chacun prétendant de Dieu
ou de ses Saints avoir reçu ordre béni
message perso. et contrat de propriété
dûment tamponné du sceau sacré….,
et qui disaient haut et fort
que ne sauraient avoir tort
ceux qui, entre deux aumônes
aux pauvres gens, chantent si bien les psaumes
aux grands et beaux enterrements
qu'on sera si fier de faire
dans l'après-guerre….,
quand tout fut détruit dans la contrée
et qu'on fut bien certain
qu'aucun rejet ne viendrait enflammer
les querelles et buissons de ce terrain
miné, _ et aux chèvres interdit
aussi bien qu'aux humains _,
on fit la paix ;
se disant
que, finalement
ce verger n'avait été que le fruit
de rebuts et détritus;
et que, né du mensonge marié
à confiance envolée
avec le tir du dernier
obus de mortier,
ce Paradis perdu
_ où n'aboutissaient plus les pipelines de cidre et calvados_ ,
ne méritait pas que les anthropologues
continuent d'y chercher de l'ADN
dans les os d'Adam et Eve,
ni dans la grande arête du Serpent.
On se déclara frères de sang,
tous descendants d'un orang-outang
marié, à la limite de l'inceste déshonorant,
à sa cousine Lucie.
Car on ne se voulait plus descendant
ni d'Adam, ni d'Eve,
forniquant dans un grand lit
avec tous leurs enfants.
On voulait bien être sémites, chez
les bergers miteux et
les riches marchands,
mais surtout pas parents,
ni du bout des lèvres
ni du bout des dents.

* * *


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