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CINQUIEME TOMBEAU

(DES PERES)

… C'est peut-être, tu vois, roulure jolie
– Plume de pure colombe coincée dans sa fiente verte –,
Ce qui m'a rendu un peu poète,
Ce mélange d'amer, de sucre et de douceâtre,
Qui est la pensée qui suinte, salpêtre de nos vies purinées.
Ainsi, tu vois, toi je t'aime bien, mais
N'ai pas toujours été ainsi pour celles de ton enclume !
Je me serais senti vilain marteau, mon ange…
Mais, il faut s'y faire, les goûts changent… ou nous ?
Tiens… ainsi, par exemple : j'aimais bien Eluard, Paul
Pourquoi, alors qu'aujourd'hui il m'emmerde
Ce texte transposé par un rhéteur-poseur ;
Transposition – Transpiration : même jus de chique
Echappé par erreur
Dans la bouse verbeuse d'un grammati-critiqueur ?
Pourquoi les cœurs de papillons lourds
Deviennent-ils des cerveaux gourds
Pourquoi faut-il des mots qu'on rappelle au grand trot
Quand tes chevaux s'envolent, Paul ?
Pourquoi, des gens, sensés apparemment
Ont-ils en déraison
Le désir de gratter au fond du verbe « aimer »
… Puisqu'on peut aimer bien plus que de raison ! ?
 …………………………………………..
Tu vois, je me calme. Je suis calmé. Plus rien.
Et je lis les nouvelles du jour
A la clarté balourde des reflets de tes reins.
Je te claque la fesse, celle que tu nommes « amour »
Je lis dans le journal qu'il est mort
Le joueur de cymbales et de timbalon.
Il en jouait si bien, qu'on n'osait le lui dire.
Sûr, que ces couvercles seront de belles coupes
Et musique éclatante, et bel orage pétant
Sous les doigts de mes vieux sans quoi la main de Dieu
Ne serait que matière, mal empaumée.
Et Dieu ne pourrait que flatter la croupe et l'encolure
Des déserts cavaleurs où les enfants ont soif
Où leurs mères remâchent des bouchées de saumure
Où leurs pères mûrissent, en idiots du Bien,
Ou en sagouins du Mal
Tandis qu'ils naissent enfin, les pères, les fils,
Comme toi et moi, ni mieux, ni pires,
En se forgeant ces pères aux danses emplumées
Que l'on devine alors capables de justice,
Coupables d'inventaires mais excusables en somme
D'avoir à les compter, les bouts de bois, les briques
Avant que d'en construire la belle et inutile étable
Pour bêlements moulus en crincrins-crécelles mal ficelés,
Sablés d'étrange vin de palme, de rêve, de divine approche
Et de reproches enfantins.
– Ça devait arriver ! Fuyons. Puisque s'approche l'un d'eux
L'un de ceux qui ont sur Dieu des droits
Puisqu'ils l'ont capturé, tué… ou pire : ressuscité ? !
Pourtant celui qui vient dans l'averse,
Tout vague et gogant sous le lampion aveugle,
En soutane compissée de large en long. Et l'inverse
Il n'a pas l'air méchant.
Il écoute gravement – serait-il soûl ? –
Les élucubrations, les forfanteries, les conseils ridicules
De notre Malotru :
– Tu vois, finasseur du Grand Portail,
Il pleut sur le pavé… mais moi, pas fou
le suçote à la paille, aux entrailles de son cœur
Le soleil.
Puis, yeux bridés de nuit,
J’en-tabernacle-emporte son image
Dans ma canne d'estropié…
… Sous mon drap en sac, le cache,
Comme toi la frousse des jours et du péché
Allons-Dodo et marche à genoux, vieux père abbé !
Te le réveilleras bien assez tôt ton pied qui dort debout,
Referas le geste qui doit vaincre les vouivres,
Le retrouveras le vieux manteau, avec ses broderies
Avec ses forfanteries dorées
Enrobeuses de fil de cuivre
Et d'élastiques apostoliques, le temps...
Juste le temps d'espérer regratter les trois brins de tabac
Sages, du mégot... rapetissé... tapé... tassé
Avec tes illusions, au fond effiloché de la poche gauche.
Ecarte ! Et regarde loin dans le creux noir...
Et, comme il advint au Devin Rigolo, mais, pour l'avouer
Trop vain, tu verras des idées brillantes comme des zéros
En tresses de soie noire sur crin de coco bien lavé.
…………………………………………..
– Là, il m'a soufflé – quasi souffleté, le Malotru :
S'en prendre-t-aux croyants, c'est pure jalousie.
Personne ne va-t-il donc lui dire les mots qu'il faut
Et le maudire sans qu'il n'ose dire mot :
Hélas – las – las ! Le Voilà qui parade et fait des ronds,
Avec ses maudits jeux de mots, ce poète de merdes et cacas.
Et le boutiquier, – L'Homme – Celui,
Le seul du quartier, qui connaisse sa destinée
Te lui balance entre les pattes :
– Déchet de Société, rebut de civilisation
Scion écourté, mauvaise herbe à mauvais cochon !
Va cracher plus loin.
Ici c'est un étal de pâtisseries chères et belles
Avec des boîtes mignonnettes.


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