Blocage

Livre III

Le fils du charpentier
s’arrête de travailler
pour contempler le travail fait, d’un œil
expert, et se met à mâchonner
quelques unes de ces feuilles
dont la sève parfumée
fait rêver.

Le fils du roi _ ce jeune homme svelte _
surnommé « bout d’allumette »
(Bouddha, simplement pour les intimes)
finit de cueillir trois fleurettes
pour un amourette et un rendez-vous
dans les bambous.

Le petit berger Isaïe
joue de la trompette de céleste harmonie
dans la prairie où paissent les brebis
de son père le patriarche, occupé à lui faire
des petits frères nombreux
et quelque peu consanguins.

Le son harmonieux
doit appeler vers le bosquet aux lutins
la fille de ses voisins,
cette cavale aux flancs ronds, et à blonde crinière.

Dans la poussière
du désert d’Arabie,
le grand Momo vient de défier cet Ali
prétentieux qui vient marier sa fille
pour quelque chamelles et un pot de terre
rempli de sacs de billes
en  verre.

Tous se sont précipités
pour venir aider l’ange
qui conduit l’attelage étrange
de la Pensée.
Devant il y a vingt mulets mal élevés
péteurs, mordilleurs, à la verge excitée,
qui furent des humains, à peine modifiés par
le coup de pénis magique et plein de fiel
d’un démon qui leur flanque cet avatar
avec la violence des coups de trique
que distribue ce cocher un peu sadique
en quête d’une route menant au Ciel.

Quand la trompette annonce
la venue de la carriole,
nos amis délaissent travaux et gaudriole.

Vers la montagne ils foncent.
Ils ont dans les mains des gros cailloux
_ appelés rites et symboles_
qu’ils glissent en cale arrière
sous les roues.

Hélas, quand ils ont trop de pierres
lancées par les philosophes-à-systèmes
et les religieux, de même,
ils les placent n’importe où,
empêchant le convoi d’avancer.

Alors, la Pensée bloquée
penche vers le ravin des morts,
tandis que les mulets
trépignent, en écroulant les bords.

 

* * *