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Le Modèle

Livre II

Le Messie, eh oui, lui-même
fut un jour rabroué par son père
pour avoir laissé les cheveux de Saint Pierre
s’embricoler les extèm-
ités, dans les rouages des célestes ordinateurs :

Il faut dire que les cheveux de nos Saints Protecteurs,
flottant des nuages jusqu’à Terre,
avaient, dans leur gloire picturale
modifié à ce point le climat des humains,
qu’ils empêchaient de se faire
processions ornées de fleurs, de chants et de prières,
gênant les accès et le financement
des hauts lieux consacrés et très saints,
aussi bien qu’ils contrariaient
la fréquentation des piscines municipales.

Il a donc pris, le Saint Fils
obéissant, les ciseaux à dentelle
de sa mère, et, comme modèle,
une serpillère  bien essorée
qui sert à éponger
les larmes laissées par les damnés
sur la margelle de la fosse infernale.
Puis il l’a placée commodément
sur le balai-brosse
du placard où l’on range
le soir, les ailes des anges
à leur juste place, selon leur rang
et classement au saint box-
office.

Hélas,
un courant d’air
fait choir la serpillère
andis que le Messie se déplace, _ Mais si, mais si ! _
délaissant un instant et sa tâche et l’endroit
pour venir au secours de Saint Eloi
dont la vessie est à la fois
incontinente et remplie,
_comme chez tous les orfèvres sertisseurs de belles pierres, _
d’or, de rubis et d’ambre. 

Si bien qu’au retour de cette occupation, 
le céleste coiffeur, machinalement
copiant avec obstination
divine le modèle qu’il a maintenant
devant lui, taille vaillamment en brosse à chiendent
le chef du Chef le plus chevelu
des Elus.

Mais ce look
si viril
entraîne vite vile
jalousie chez les apôtres en chœur
qui réclament sur l’heure
la même coupe
leur maître et seigneur
qui jamais rien ne leur refuse,
(tout au contraire
de ces patrons qui abusent
sur Terre
de la carotte et de la trique
pour satisfaire leur envie héréditéro-frénétique
de faire du fric.)

Les voilà donc, le poil ras et dru,
fort peu aptes
à se glisser sous la pâte
des tableaux religieux
d’où ils étaient coutumiers
de lorgner les décolletés
des belles paroissiennes,
qui, leur belle âme en grande peine
viennent demander en ces lieux
quelqu’onguent, ou chrême consacré
propre à recoller de leur vertu
les lèvres égratignées.

Le Maître s’est donc vu, confus, contraint
de confier à chacun
une Harley-Davidson
couverte de drap
de Nîmes, et de peau de cobra,
avec un p’tit guidon en croix, chromé
et un Klaxon
marrant, qui égrène le Kyrié
dans les rêve-parties
où on les voit traîner, depuis. Parfois accompagnés…..
mais oui…..de « qui vous savez » !

Moralité

Même si on est au plus haut du dernier degré
de l’autel le plus sacré,
il y a danger,
en suivant un modèle qu’on
se donne à soi-même,
d’être amené à bêler « amen »
avec d’autres moutons.

* * *


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