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Le Biface

Livre III

Un brave curé de campagne,
qui avait rêvé, en brandissant la croix
De stopper net la hargne
des loups et des villageois,
n'y avait réussi en rien ;
et pas même d'empêcher
les chiens des voisins
de massacrer son colombier
pour le plaisir
de se fourrer la truffe aux creux charmant
des œsophages chauds et palpitants.
Ce fut
ce jour où la mégère
qui lui servait encore un peu aux tâches ménagères
lui avait donné comme pitance
une poignée de radis au beurre rance,
tout mal lavés et mal - goûtus.

Il se disait
(plein du désir énervé de vouloir rester calme)
qu'il faut bien qu'il y ait
ces débris et déchets
qui deviennent du terreau
pour que poussent les radis et poireaux
remplis de ces vitamines
"qui donnent bonne mine",
comme le dit la réclame -.

Il avait passé une très mauvaise nuit,
à se dire qu'il avait connu l'enfer et le martyre
à côtoyer l'ennui
avec cette mégère,
en se passant et repassant sans cesse
les mêmes salières et soupières
avec ces gestes pleins de lassitude
des petits riens tout ébréchés
par les mordillements des habitudes
bien ancrées ; Et c'était pire
sur les agenouilloirs ménauposeurs
et les coussins des liseuses de bréviaire,
qui n'ont plus rien de tentateurs
malgré les empreintes de fesses
des pécheresses.

Ce fût pire encore, sa maladresse,
du lendemain,
, - un de ces matins de septembre,
quand la brume enfilandre
les treilles colorées d'or et de sanguin -.
Notre curé
levé du mauvais pied
s'en allait sans entrain
faire entendre petite messe
à paroissiens rares et vilains,
quand il buta-
contre une pierre folle

qu'il aurait lui-même placée là
comme exprès la veille -
non pour atteindre à la treille,
mais pour s'y briser son crâne en peau de sotilaisse
tout garni de psaumes et prières,
sous l'auréole de la tonsure.
Il en était là, tout transi et saignant,
et jurant, que, si,
en se rendant en Paradis
le Diable lui présentait son derrière
il recevrait en cet endroit
à coup sûr,
le roi
des coups de pied
qu'un curé n'eut jamais donné
à un tel Mal - faisant,
quand
il mourut, quasi en état de péché
de colère et méchanceté mêlée en
s'énervant contre notre terrestre Destinée,
la tête enfouie
dans les résédas, et leurs parfums gris - verts
qu'ils s'étaient entr'offerts
durant la gelée de la nuit.
 
Au ciel, où tout brille,
dès à peine qu'arrivé, notre curé
ne tombe-t-il pas nez à nez
(si je puis dire ? Mais oui ! )


avec l'Abominable aux fesses velues,
aux pieds fourchus, à l'appendice caudal
du même métal,… !
au pénis anormal, et pique pointue devenu… !
idéal pour refouler derrière une grille
incandescente et hérissée de pointes de hallebardes
de pauvres grimaceurs voués à la grillade… ! ! ?

c'est en ce bas endroit
et juste à l'attache des deux bourses ballantes
que le curé visa lâche-
-ment, avec une vigueur étonnante
dans l'espoir que se détachent
les sachets destinés à faire aux sorcières des rejetons
démons
et fiers.

L'Autre tourne aussitôt
le dos.
Et lui montre un second visage
comme il était d'usage
chez le dieu Janus des romains d'un autre âge
où les dieux s'imposaient
sur les pièces de monnaie.
Mais ! ? !
Ce visage si jovial et à l'air si sage
et quasi-câlin.
N'est-ce point celui du créateur
de toutes choses

Et non celui du vilain Malin ! ? !
.. Et qui d'un ton très doux
demande en riant au curé tout retourné
devenu pâle sur les joues
et rose un peu partout
ailleurs :
"-Eh quoi l'ami
te voilà bien farceur
et familier avec l'envers
de ce miroir en pure glace polaire !
Je t'ai admis en Paradis
de ce côté-ci
de la grille.
Alors, dis-moi, qu'est-ce qu'il te prend
(au risque qu'elle ne se fendille !)
d'aller lever le pied
contre la grande armoire vitrée
de l'entrée ?

.. C'est vrai que moi aussi, parfois, il m'agace
ce meuble de granit et glacier
venu des âges
sans cesse dépassés.
Mais je le garde en face
de l'entrée de la gare de triage
car, vois-tu, curé :
il était déjà

quand je suis arrivé."

Alors, devant la mine de cire
du curé déconfit
Dieu éclata de rire
en disant : Mais oui, je peux
moi aussi,
Dieu,
rigoler. J'ai appris,!..,
C’est à regarder vos comiques
toujours la bouche fendue
et sans cesse à rêver de donner
des coups de pieds au cul
des images de la Vie,
plus ou moins bien pensée,
et qui glissent, sans le marquer,
sur le miroir archaïque
de l’entrée.

* * *


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