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Les Noces de Cana

Livre I

L'intendant
désigné pour les noces
ne fut pas prévoyant.
C'est pour cette raison
qu'il fut jeté aux lions
ou bien dans la fosse
aux serpents
(m'en souviens plus exactement).
Pas assez de vin
pour les libations d'usage
qui doivent rougir les lèvres
et les nappes encore chaudes du dernier repassage !
Convives mal comptés, amphores non livrées !…
.. on ne sait pas bien,
mais ce qui est certain
c'est qu'on fut bien content de trouver
parmi les invités
un orfèvre
en matière de miracle :
un certain Jésus
fils d'un certain Joseph, "bois et charpentes"
dont l'entreprise était sur la mauvaise pente
depuis que le seul héritier connu
avait décidé de se lancer
dans le spectacle,
Lui, qui prétendait
tenir de Jéhova
Lui-même, ses pouvoirs - z - obscurs
voulut bien abaisser son regard
amusé
sur nos jarres
d'eau pure,
comme il le fit ailleurs pour du pain
et autres plats
dans l'urgence d'un pique-nique
improvisé, en Samarie ou Judée
(n' m'en souviens plus de l'endroit).
Or, nous étions une vingtaine
d'alcooliques,
plus ou moins ventrus, jaunes et podagres
assoiffés d'attendre dans la salle des gardes
en hurlant des chansons samaritaines
et paillardes.
En vérité, je vous le dis
l'art de ce faiseur de miracles
nous fit
donner des claques
plates à nos genoux
ou pleurer
en nous pinçant le nez.
C'est alors que le docteur spécialiste du foie,
attaché à nos pas, entretenu par nous, s'est levé d'entres les bras en bois
de cèdre
de sa cathèdre
et, s'adressant à tous
déclara :
Mais vous faites aussi bien que ça,
vous, amis - consultants de mon cabinet
quand, d'un trocard que je vous pousse
dans le bidon, de mes longs doigts habiles,
je vous ponctionne, au milieu d'un filet de bile,
des tonneaux
de cette eau
élaborée avec le vin
avalé par vos nobles gosiers,
qu'ensuite je donne en boisson aux gorets
à l'engrais
dans le recoin le plus malsain
de mon couret.
Ce qu'il voulut leur dire,
le bon docteur rigolo
à ces poivrots, nos frères
- qui ne l'écoutaient guère -
c'est qu'il faut avant tout admirer
les vrais miracles divins,
tel celui qui te fait saisir
à pleines mains amies
les idées du voisin,
même si
tu dois les trouver
ou bien bêtes à pleurer
ou grandioses à souhait,
selon le degré de conformité chromosomique
délivré à vous deux
par le biais miraculeux
des célestes mathématiques,
celles occupées à construire, avec le hasard,
à l'aide de milliards de particules génétiques,
des êtres particuliers ; comme en ces bazars
d'un peu partout
où les mêmes marchandises sont offertes
sans que se ressemblent vraiment les boutiques ouvertes
aux passants.

                                                                                                            
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